«Il n’y a pas d’un côté les startup et de l’autre les has-been»
Le loueur allemand Sixt continue de grignoter des parts en France, son troisième marché dans le monde, grâce a une flotte de véhicules «modernes » et a des campagnes de publicité très remarquées Jean-Philippe Doyen, son président depuis 2010, évoque le positionnement atypique de Sixt en France, les relations avec les constructeurs et l’émergence des nouvelles formes de mobilité.
Vos campagnes de publicité décalées ne passent pas inaperçues. Quelle était l’idée de départ ?
Notre communication se veut à l’image de la marque innovante et décalée. Car nous nous considérons comme un prestataire de mobilité différent de la concurrence. Cette plateforme Boost Yourself a été conçue pour la France Quand je suis arrive chez Sixt en 2009, moins d’un Français sur quatre connaissait la marque. Grâce à la télévision, mais aussi a nos actions commerciales, à notre présence sur les réseaux sociaux et à notre réseau, notre notoriété spontanée et assistée a beaucoup augmenté, puisque trois Français sur quatre nous citent aujourd’hui.
Quelle est la position de Sixt en France ?
Nous estimons a environ 2 Mds€ le marché des pure players de la LCD en France, en dehors des enseignes de la grande distribution, et l’ensemble de nos activités représentent autour de 250 M€ de chiffre d’affaires*. Celui-ci a plus que triple depuis 2010 Chaque année, nous continuons de prendre des parts de marche et la France fait d’ailleurs partie des pays portant la croissance de Sixt dans le monde. Avec plus de 20000 voitures, nous sommes le troisième marché du groupe, derrière l’Allemagne et les Etats-Unis.
Vous avez opté pour un modèle de développement en propre. Pourquoi cette stratégie ?
Il s’agit tout simplement du modèle qui s’est révélé jusqu’ici le plus efficace pour Sixt en France. Nous sommes plutôt un « succursaliste » par pragmatisme. Nous avons toutefois quelques franchises, qui représentent moins de 10% du chiffre d’affaires du réseau. L’implantation dans certaines villes impose d’avoir une connaissance du territoire local, ce qui peut justifier le recrutement d’un franchise, qui est très bien installe dans le secteur. Mais nous n’avons pas le projet d’en intégrer de nouveaux. Nous donnons simplement la possibilité à ceux qui sont en place d’ouvrir de nouvelles agences.
Avec 200 agences, quelle est votre couverture ?
Nous couvrons plus de 85% de la demande. Nous ouvrons en moyenne 15 agences par an. Le réseau continue de se densifier, mais il existera toujours des zones où nous ne sommes pas représentés. La moitié de nos agences sont implantées dans les gares et les aéroports, l’autre moitié dans les centres villes ou a la périphérie, notamment celles qui ont une activité mixte VF VU.
Vous êtes sur un modèle de buy back et non pas d’achat à risque. En quoi cette approche vous semble-t-elle plus pertinente ?
Nous achetons en effet les véhicules aux constructeurs, nous les conservons six mois et nous leur revendons a un prix détermine en amont. Nous restons donc dans un schéma où nous en sommes propriétaires. C’est un modèle qui permet d’avoir une stratégie stable dans le temps, puisque nous sommes moins soumis aux aléas du marché de l’occasion. C’est surtout un choix de positionnement produit qui nous permet de proposer une flotte moderne et attractive.
Comment votre flotte de véhicules évolue-t-elle ?
Elle évolue de façon cohérente en prise avec le marché français, c’est a-dire que la part du diesel diminue sous l’influence des constructeurs, qui doivent ensuite revendre les véhicules sur un marché de l’occasion ou la part des produits a essence augmente également. Mais la demande de nos clients, notamment professionnels, reste très forte sur le diesel. Nous intégrons chaque année dans notre flotte des véhicules hybrides et électriques. Autant les hybrides sont très bien acceptés par nos clients, autant ces derniers se posent encore des questions sur l’électrique. La proportion de cette énergie chez nous se situe au même niveau que sa part sur le marché national, soit 1,2%.
Sur les modèles à succès, on peut imaginer que le constructeur va privilégier les ventes à son réseau plutôt qu’aux loueurs de courte durée ?
Je ne sais pas. Je constate que nos clients peuvent profiter d’un modèle comme le Peugeot 3008 dans nos agences. C’est une négociation permanente, qui s’inscrit toujours dans le cadre d’une relation de partenariat. Le constructeur a besoin de nous et nous avons besoin de lui. II reste libre de nous vendre les véhicules qu’il souhaite, mais nous pouvons aussi, de notre côté et modestement, influer sur les lignes de production si nous estimons que nous avons un potentiel de développement important sur tel ou tel nouveau modèle. Comme nous commandons les véhicules cinq mois avant leur lancement commercial, nous sommes un peu obligés de « parier » sur la réussite du modèle au sein de notre réseau, même si je n’aime pas trop ce terme.
Vous vous présentez comme un prestataire de mobilité. Comment celle-ci s’exprime-t-elle chez Sixt ?
Le spectre de la mobilité évolue fortement et nous avons développé chez Sixt un certain nombre de métiers ou de services, que ce soit la location de courte ou longue durée, les véhicules en libre-service ou avec chauffeur (Sixt Limousine, Mydriver), qui étaient jusqu’ici accessibles via des plateformes distinctes. Nous avons une palette de solutions déjà très large et l’avenir est à l’intégration de toutes ces formes de mobilité sous un toit unique.
Au final, le métier n’évolue pas aussi vite que ça, n’est-ce pas ?
Les métiers de la mobilité évoluent fortement, nous observons des tendances de fond, mais il n’y a pas d’un côté les start-up, qui pré- figurent l’avenir, et de l’autre des hasbeen condamnés à disparaître. Il y a de la place pour de nouveaux acteurs, qui viennent apporter de nombreuses opportunités aux clients, et les historiques. Aujourd’hui, si 15% des Français déclarent louer une voiture, contre 8 a 9% il y a quelques années, c’est le fruit des loueurs historiques et des nouvelles formes de mobilité. Par ailleurs, nous poursuivons le processus de digitalisation au sein de nos agences. Par exemple, en Allemagne, nous testons la reconnaissance du client, volontaire, à travers ses yeux, ce qui lui permet de gagner du temps. Mais au-delà de ces innovations digitales, qui vont se poursuivre, l’humain demeure très important dans notre métier. Des clients auront toujours besoin d’être accompagnés pour la prise en main du véhicule ou de bénéficier des services au comptoir.
*Soit une part de marche d’environ 12,5% pour Sixt en France.
Source : L’argus du 17 mai 2018 – par Benoît LANDRE