« Une voiture électrique pour tous ». Voici le projet d’Aymeric Libeau, et la baseline de son entreprise de rétrofit : Transition-One. Qu’est-ce que le rétrofit ? Il s’agit de la conversion d’un véhicule thermique en électrique. Une pratique destinée à rendre notre mobilité plus propre, résolument tournée vers le futur de la mobilité. Rencontre avec l’un des initiateurs du rétrofit :
Si on veut changer les choses, on doit arriver avec de nouvelles solutions. Il y a le vélo, il y a la trottinette… Mais ça ne correspond pas à tous les usages. La voiture rétrofitée est là pour répondre à ces nouveaux besoins de mobilité quotidienne.
Votre entreprise est pionnière en France. Quelle est la genèse de Transition-One ?
6 juillet 2017, à peu près vers 15 h, Nicolas Hulot (alors Ministre de la Transition Écologique) annonce son objectif d’arrêter la vente de véhicules thermiques pour 2040. Comment vouloir faire évoluer le comportement d’une nation avec des objectifs à 2040 ? C’est à ce moment qu’est née Transition-One, de mon souhait de trouver une solution pour atteindre un objectif de mobilité décarbonée. Il faut décarboner rapidement pour « limiter la casse », le plus possible, et pas en 2040. On ne va pas interdire aux gens d’utiliser des voitures, donc, utilisons ce que l’on a. À savoir, des véhicules qui émettent du carbone. Et qu’est-ce qu’on fait massivement et rapidement pour décarboner en utilisant nos ressources existantes ? On enlève le moteur thermique et on le remplace par un moteur électrique.
Quelle est la mission de Transition-One ?
Transition-One est une entreprise du monde de la transition écologique. C’est de l’économie circulaire, c’est de la suffisance, c’est éviter de faire un déchet. La voiture ne doit pas devenir un déchet, on doit pouvoir la réutiliser le plus longtemps possible. On (avec l’association AIRe) a travaillé à la mise en place d’une réglementation (ndlr : arrêté du 3 avril 2020) autorisant le rétrofit ; on travaille à ce que cela soit mis en place au niveau européen. Ce qui régit ma vie, c’est le discours de JFK sur la course à la Lune : « On va le faire non pas parce que c’est facile, mais parce que c’est difficile ». Si on va chercher de la difficulté, derrière il y a de la capacité à réussir.
Quel est votre modèle économique ?
Pour moi, fondamentalement, si on veut qu’un changement soit accepté, il faut deux ingrédients :
- Cela doit être simple à comprendre (« Le rétrofit : j’enlève le moteur thermique, je le remplace par un moteur et une batterie électriques » : quand j’ai dit ça, tout le monde a compris).
- Cela doit être abordable.
Je suis coprésident de la filière des rétrofiteurs (ndlr : l’AIRe, Acteurs de l’Industrie du Rétrofit électrique), et notre but, c’est d’avoir des prix qui soient similaires au neuf. Notre objectif est de proposer une conversion à un prix cible et industrialisé entre 7 000 et 8 000 euros (sans les primes). On lève des fonds pour pouvoir homologuer et in fine avoir un ticket d’entrée – aides incluses – à 5000 euros par voiture rétrofitée.
« Dans le rétrofit, il y a un investissement économique, et il y a un investissement écologique. Et il faut toujours voir les deux. Maintenant, il faut voir les deux. »
À quel point une voiture rétrofitée est-elle un investissement écologique ?
Nous nous préparons à produire pour moins de 2 tonnes de CO2. Si on compare avec une voiture thermique qui produit 1 tonne de CO2 pour 10 000 km en 1 an, cela signifie qu’une voiture rétrofitée est amortie en 2 ans. À la fois sur l’impact écologique, mais aussi l’impact économique, parce que le carburant est moins cher et qu’un modèle rétrofité c’est 30 à 50% d’entretien en moins. Nous allons faire faire ces conversions à des professionnels de l’automobile.Au lieu de faire traverser l’Europe à la voiture pour la rétrofiter, faisons-le à proximité, chez les garagistes, en leur donnant une nouvelle activité.
Aujourd’hui nous avons 1000 candidats qui souhaitent devenir partenaires. La moitié en France, l’autre à l’étranger. Nous sommes pour l’instant concentrés sur la France, mais la phase suivante, c’est d’harmoniser notre présence en Europe, puis dans le monde entier… La problématique CO2 est mondiale. Harmonisons le rétrofit à partir des règles françaises, car aujourd’hui nous sommes les plus avancés sur cette question en France. L’AIRe a vocation à devenir une association européenne, il faut voir grand ! Pour le rétrofit, si on ne voit pas grand, ce ne sera pas suffisant.
Quelles sont vos ambitions pour les prochaines années ?
À court-terme, ouvrir les commandes à la fin de l’année 2022. Mais surtout, le premier KPI de l’entreprise, c’est la quantité de CO2 économisée.
Notre mission : faire économiser 1 million de tonnes de CO2 en 10 ans.
Dans toutes les sociétés, il faut faire de l’économie et de l’écologie. Par exemple, j’aimerais bien que sur toutes les factures que je reçois il y ait une valeur en euros et une valeur en CO2. Je dis ça pour la facture, mais idéalement il faudrait également que ça apparaisse sur le devis. Cela permettrait de faire nos choix en conséquence.
Vous sentez-vous accompagné pour pousser la transition écologique ? Vous sentez-vous entendu ?
Aujourd’hui, nous sommes entendus des particuliers (nous avons beaucoup de demandes) et des autorités publiques (nous avons initié l’arrêt du 3 avril 2020), mais pas des investisseurs. Et sans investisseurs, on ne va pas loin. On a déjà démontré avec l’argent que l’on a levé que l’on sait faire des prototypes, que l’on sait comment préparer notre industrialisation, que nous avons une réglementation… Mais malgré tout, aujourd’hui, nous sommes peu entendus par les investisseurs à impact. Il faut encore un peu de temps.
Quels sont vos conseils à un particulier qui veut rétrofiter sa voiture, mais qui n’est pas encore décidé ?
Un individu génère en moyenne 11,9 tonnes de CO2 par an. Avec une voiture rétrofitée, c’est 1 tonne en moins par an. C’est énorme ! Le conseil, c’est de rappeler qu’on peut tous agir ; et le rétrofit est une solution qui convient à beaucoup. Mais il faut accepter de changer certaines choses. Je pouvais faire n’importe quoi avec ma voiture avant, maintenant je ne peux plus… Oui, mais j’agis. Ça peut faire pencher la balance du bon côté.
On a tous l’opportunité d’agir face à l’urgence climatique. Le plus difficile aujourd’hui c’est d’identifier les bonnes solutions qui correspondent à chacun.
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